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Briata par Roussin

"On ne demande pas à un auteur dramatique un texte savant sur la peinture de tel ou tel, une analyse de ses mérites, la révélation des secrets rapports de couleurs ou de masses : tout cela est affaire de spécialistes.

Je ne me risquerai pas sur leur terrain : ils en savent trop et moi pas assez. Devant une oeuvre d’art il y a deux attitudes : on cherche à comprendre ou l’on ne demande qu’à recevoir. Je suis de ceux pour qui ne compte que ce qu’ils reçoivent. En ce qui concerne les toiles de Georges Briata point n’est d’ailleurs besoin de "chercher à comprendre". Il peint un clown, un violoniste ou un torero, un port de pêche ou une piste de cirque et ne propose en aucun cas une énigme ; il n’a pas de temps à perdre en recherche byzantine, il peint. Et ce qu’il peint se comprend immédiatement. Ce qui compte pour lui c’est cet espace plus ou moins grand de la toile où il veut chaque fois se reconnaître sans jamais s’y être déjà vu. Obsession du vrai créateur : exprimer sa vision toujours personnelle des êtres et des choses sans jamais se copier, sans tomber dans le système , l’habitude, voire le truc. Car le danger est là, quand le peintre a acquis la maîtrise de ses moyens : il sait ce qu’il fait le mieux. - Gare ! Comment résister à cette tentation ? C’est là-dessus pourtant qu’il sera jugé. A leur palette et à leur touche, Cézanne ou Van Gogh sont immédiatement identifiables et cependant il n’y a pas plus de truc Cézanne que de truc Van Gogh. Ce qui amènerait à penser que l’inimitable en art, c’est la sincérité. Cette certitude de l’artiste "de ne pouvoir suivre que sa pente". André Gide ajoutait "en montant".

Georges Briata - cet ouvrage en est la preuve - n’est plus un espoir de la peinture mais une certitude. Son œuvre est déjà considérable ; ses toiles ont été exposées et vendues dans le monde entier ; elles réchauffent nombre de collections privées et salles de musées. Briata est un peintre en pleine maturité, maître de son dessin et de sa palette et c’est un fou de couleurs. N’oublions pas qu’il est marseillais, ce qui l’apparente peu à Corot ou Boudin.

Certain public timoré se considère parfois comme agressé par l’éclatement lumineux qui caractérise son œuvre ; le public jeune au contraire en raffole. C’est parce que les couleurs en sont parfois aveuglantes que Briata choisit les arènes ou les pistes de cirque ; c’est parce que le mouvement y domine qu’il affectionne les orchestres ; ici son pinceau inspiré commande le ballet des archets, les bras du chef d’orchestre finissent en ailes d’un immense oiseau : à travers tout cela passe le bonheur de la musique qui est aussi le bonheur du peintre. En présence de toutes les toiles représentant pianistes, violonistes, violoncellistes, je regarde et je suis fasciné par les rythmes et par le jeu des couleurs. Je m’entends murmurer : "Ca chante". La célèbre trouvaille de Paul Valéry me revient en mémoire : "L’oeil écoute".

Je me demande si le plus grand hommage que l’on puisse rendre à un peintre n’est pas d’entendre sa peinture chanter. Et de le lui dire.”

André ROUSSIN, de l’Académie Française